L’équipe de l’école Jeet Kune Do Concept a eu la chance de pouvoir poser quelques questions au Directeur Technique de la FAMA, David DELANNOY.
Voici cet interview exclusif, du 13 février 2013…
L’équipe de l’école Jeet Kune Do Concept a eu la chance de pouvoir poser quelques questions au Directeur Technique de la FAMA, David DELANNOY.
Voici cet interview exclusif, du 13 février 2013…
JKDC : Nous connaissons votre brillant parcours martial, pourquoi avoir choisi le jeet kune do ?
DD : Je ne pense pas avoir un brillant parcours martial. Je suis juste un pratiquant qui a étudié différents arts martiaux.
Lorsque j’ai découvert le jeet kune do, j’ai vraiment eu la possibilité de m’exprimer et d’être dans une recherche permanente. La recherche de ce qui me convient ou ne me convient pas. Ce qui m’a vraiment attiré dans cette discipline c’est la possibilité de modifier ou plutôt d’adapter ce qui est enseigné pour mieux se l’approprier et le rendre efficace.
Jusqu’à ce que je découvre le jeet kune do, on me demandait de restituer, de copier des techniques élaborées et ressenties par un autre individu. Chaque personne étant différente physiquement et psychiquement, il est impossible et utopique de simplement reproduire une technique enseignée si on veut être efficace. C’est nos adaptations propres qui permettent de restituer la pleine mesure du geste technique démontré. Voilà pourquoi j’ai choisi le jeet kune do, pour cette liberté d’adaptation et de création qui tranche avec les méthodes traditionnelles où les modifications sont considérées comme irrespectueuses envers les maîtres fondateurs.
JKDC : Comment avez-vous décidé d’en faire votre métier ?
DD : Certains changements dans ma vie privée ne m’ont pas laissé le choix.
Parallèlement une forte demande est née chez les pratiquants de jeet kune do en France, des demandes de développement, de formations… J’ai essayé de les satisfaire au mieux. Malheureusement, après plusieurs années d’expérience, je me suis aperçu que certaines personnes passaient leur égo avant leur propre entraînement et le développement de l’art. Ceux-là visent simplement à obtenir un diplôme d’enseignant. Ils oublient ensuite rapidement l’essentiel, la pratique.
Comment peut-on enseigner quelques chose sans s’entraîner ni se remettre constamment en question ?…
J’ai été très déçu, à plusieurs reprises, et j’en suis arrivé à me demander si je vais continuer à former des instructeurs !
JKDC : Vous êtes le représentant français de l’Inosanto Academy, quel homme est Dan Inosanto ?
DD : Je ne suis pas le représentant de l’Inosanto Academy en France, le représentant officiel de l’Academy est Sifu Salem Assli. Je suis instructeur sous Sifu Dan Inosanto, le seul résidant en France à ma connaissance.
J’essaie juste de représenter au mieux mon instructeur Sifu Dan Inosanto pour l’honorer de ce qu’il m’a transmis. Je ne communique pas beaucoup sur mes diplômes car je pense qu’un élève doit venir vers un professeur pour ses compétences et non pas pour son diplôme.
JKDC : Votre jeet kune do est très orienté self-défense, quel est exactement votre concept ?
DD : Il me semble que Sijo Bruce Lee développait son jeet kune do avec l’idée de se défendre toujours plus efficacement. Je pratique les arts martiaux pour me sentir en forme et bien dans ma tête… mais aussi pour être capable de me défendre en cas de besoin. C’est pourquoi j’ai orienté ma recherche vers la self-défense.
Je mets aussi un point d’honneur à toujours rester honnête envers moi-même et envers les autres, notamment les personnes que j’entraîne. J’ai des modèles qui m’influencent énormément dans mes recherches : Sifu Dan Inosanto, Sifu Rick Young, Sifu Terry Barnett, mes instructeurs… Je n’ai pas besoin d’en dire plus, je m’entraîne avec eux c’est aussi simple que cela.
En France aussi j’ai des modèles pour développer ma self-défense : mon frère (Christophe Delannoy) ainsi que mon père (Claude Delannoy), mais également de vrais grands experts : Charles Joussot , Robert Paturel ou Sébastien Véroult.
Pour résumer, mon concept c’est pratiquer avec honnêteté, en me posant constamment des questions, afin de toujours progresser, évoluer et améliorer ma self-défense.
Tout change dans la vie, il faut donc suivre les changements et toujours s’entraîner afin de ne pas se retrouver hors sujet !
JKDC : Vous insistez beaucoup sur l’importance de la condition physique, pour quelles raisons ?
DD : Comment se défendre si on n’a pas de condition physique ? La technique est certes importante mais sans condition physique rien ne pourra être appliqué !
En effet avec le stress d’une confrontation réelle 90% de la technique seront oubliés. On cherche donc à développer du réflexe, en espérant qu’il pourra s’exprimer lors d’une agression… mais ceci n’est jamais une certitude.
Afin de réduire le stress – plutôt d’apprendre à le contrôler – il faut s’entraîner très dur physiquement.
Il suffit de regarder les unités spécialisées, elles s’entraînent physiquement sans relâche.
JKDC : Quels conseils donneriez-vous aux pratiquants pour les aider à bien progresser ?
DD : Je vais dire quelque chose qui pourrait sembler stupide… Je donnerai comme conseil aux pratiquants de travailler sérieusement, sans chercher la gloire ni la reconnaissance de qui que ce soit.
Sans travail il n’y a pas de progrès possible. Donc entraînez-vous sans cesse, en vous remettant en question quotidiennement et en restant très humble. Sachez qu’il y a toujours meilleur et plus fort que soi !
Je vais quand même ajouter quelque chose, une mise en garde…
Je suis souvent surpris de lire et d’entendre que certains instructeurs français donnent des listes interminables d’experts avec lesquels ils ont évolués. Ces individus savent exhiber fièrement leurs photographies en compagnie de tel et tel grand maître. C’est peut-être une bonne publicité, mais il faut
que les pratiquants restent lucides, la réalité est toute autre. Parfois ces instructeurs ne participent aux séminaires de l’expert qu’une fois par an, certains n’ont suivi qu’un unique stage et n’en feront peut-être jamais d’autre… Faites très attention à ceux qui cherchent à impressionner pour mieux « attirer le client » !
JKCD : On vous définit comme un homme humble, sincère, humaniste et timide… on est loin de l’image des guerriers fiers, téméraires et implacables que les médias véhiculent. Quelles sont, pour vous, les qualités qui font un vrai combattant ?
DD : Je fais juste de mon mieux pour être un homme honnête et humain avec les autres. Pour ma part je n’ai rien à me prouver je cherche juste à m’entraîner et à progresser.
La politique et la mode martiales qui incitent aux attitudes guerrières lors des séances photos ou sur les vidéos ne m’intéressent pas. Pourquoi serais-je agressif ou me ferais-je passer pour un guerrier ?
Tant que mon intégrité physique n’est pas en danger pourquoi devrais-je adopter une attitude guerrière ?
Je ne cherche pas le combat mais la paix intérieure et extérieure.
Dans le jeet kune do je vois beaucoup de gens qui se font passer pour des guerriers, c’est si facile ! D’autant qu’il n’y a pas de compétitions.
Pour ma part, je préfère l’image des moines Shaolin qui sont des hommes paisibles et en harmonie avec l’humanité.
Je ne me prendrai jamais pour ce que je ne suis pas !
Malheureusement j’ai déjà eu à défendre ma vie et c’est vrai que le jeet kune do m’a servi. Mais comme l’a dit un jour Robert Paturel lors d’un repas : « J’ai juste eu de la chance de m’en sortir indemne ! »
JKDC : Dans votre enseignement vous abordez souvent la morale et l’aspect légal des choses, c’est une nécessité ?
DD : Oui. Je pense qu’il est indispensable de rappeler la loi et les règlements.
Nous pratiquons des arts qui peuvent s’avérer dangereux, il faut apprendre à se calmer et à rester lucide pour adapter la réponse à la situation. Il faut respecter le cadre légal de la légitime défense !
Les gens que j’entraîne doivent être conscients des risques qu’ils encourent lors d’une agression : peur, traumatismes physiques et psychologiques, sanctions pénales éventuelles…
Pour autant, il ne s’agit pas de se mettre en danger de mort pour préserver un agresseur ou éviter un tribunal.
JKDC : Comment analysez-vous le développement actuel du jeet kune do dans le monde et plus particulièrement en France ?
DD : Le jeet kune do est présent partout dans le monde et c’est un très bel hommage à Sijo Bruce Lee et à Sifu Dan Inosanto qui ont toujours œuvré pour son développement. Je pense que le plus grand honneur que nous puissions leur faire est de nous entraîner dur, d’être les dignes héritiers du JKD en mettant de côté notre égo et les conflits entre les différentes écoles.
Les seuls à pouvoir juger et à décider où ils vont pratiquer, ce sont les élèves. Alors arrêtons de jouer les marchands de tapis !
JKDC : David, une dernière question… quel serait aujourd’hui votre vœu le plus cher ?
DD : Que le respect et la paix existent entre les êtres vivants. Il y a de la place pour tous, alors pas de combat inutile !